mercredi 7 mai 2014

Les cabildos, sociétés de divertissement et de secours mutuel

C'est en 1512 que l'Espagne commença la déportation d'Africains réduits en esclavage vers Cuba, alors possession espagnole.

Déracinés des actuels Nigeria, Cameroun, Bénin, Sierra Leone, Angola, Ghana, Congo, Mozambique,..., ces populations tentèrent tant que bien que mal de conserver une identité en préservant leurs traditions culturelles, religieuses, musicales. 

Ils cherchèrent à se regrouper en confréries – les cabildos, qui permettaient aussi de s'aider entre membres d'une même ethnie.

Le premier cabildo, Cabildo Shango, fut créé à La Havane en 1568.
L'administration coloniale espagnole tolérait généralement ces confréries, y voyant un moyen de réguler les tensions entre les maîtres et les esclaves. Ainsi, les Noirs avaient parfois l'autorisation de pratiquer leurs danses et leurs musiques lors de fêtes les réunissant durant les rares périodes de repos, ce qui contribua à la survie des traditions venues d'Afrique.
Les esclaves en profitaient pour célébrer leurs propres divinités et rituels, en musique bien sûr.

Chaque cabildo, à la fois société de secours mutuel, de divertissement et ciment des traditions, était régi par une hiérarchie interne et dirigé par un « roi », représentant sa « nation » devant les autorités coloniales. La gestion des biens de la confrérie lui était confiée : il pouvait ainsi récompenser ou donner des amendes aux membres du cabildo, dont les revenus allaient jusqu'à rendre possible l'achat de la liberté de certains. C'est aussi au sein de ces cabildos que le mélange entre religions africaines et catholicisme prit corps, générant des syncrétismes comme la santería.

Au XIXème siècle, la bonne société blanche et créole, s'offusquant du bruit occasionné par ces fêtes qu'elles jugeaient sauvages, fit cantonner les cabildos en dehors des limites de la ville... ce qui renforça leur indépendance.

Les cabildos devinrent des foyers de révoltes anti-esclavagistes. Ces rébellions furent réprimées dans le sang, et leur échec sonna le début de la fin des cabildos. Les autorités cubaines établirent alors un contrôle de plus en plus serré et bridèrent de plus en plus leurs activités. A la fin du XIXème siècle, les cabildos n'étaient plus que des survivances plus ou moins secrètes et avaient perdu l'essentiel de leur force.

Voici les correspondances entre les noms de différents cabildos, les régions d'origine des esclaves et leur ethnie d'appartenance.


Cabildo Région d'origine Ethnie d'origine
Abakuá Nigeria, Cameroun Ekpe
Mandinga Sierra Leone Malinké
Ganga Sierra Leone Malinké
Mina Côte de l'Or (actuel Ghana) Akan
Lucumi Benin, Nigeria Yoruba
Carabalis Nigeria Igbo - Efik
Macauas Mozambique Makua
Congo Angola Bantu